Mais finalement, l’impact de cette mesure est tout de même à nuancer, du moins en ce qui concerne le plafond d’exonération des successions : “le patrimoine moyen des Français ramené au nombre d’enfants est largement inférieur à 100 000 euros de toute façon. Pour une grande partie des Français, le passage de 159 625 à 100 000 euros d’abattement n’aura donc aucune incidence. Et pour ceux dont le patrimoine se compte en millions, l’enjeu ne se joue pas à 50 000 euros d’abattement près”, rappelle Christophe Lenne, consultant au sein du groupe d’études et de conseil en gestion de patrimoine ICF. Selon les données du Conseil des prélèvements obligatoires (CPO) de 2006, l’héritage moyen perçu par les Français était de 32 900 euros, très loin du montant maximum d’abattement. De plus, malgré la réforme, Christian Eckert, rapporteur PS de la loi, estime que 87 à 90 % des successions seraient encore exonérées après la réforme (contre 95 % avec les règles de la loi Tepa, et 78 % avant 2007).
D’autre part, “la donation peut, certes, s’insérer dans une stratégie ayant pour but de bénéficier d’abattements successifs et ainsi diminuer la fiscalité à la succession. Mais cela peut également simplement être un moyen d’aider ses enfants à s’installer de son vivant, rappelle Christophe Lenne. C’est notamment le cas pour ceux disposant d’un patrimoine modeste”.
En revanche, pour ceux disposant d’un patrimoine conséquent et souhaitant éviter des prélèvements importants, c’est l’allongement du délai de purge entre deux donations qui peut avoir l’impact le plus important, et c’est d’ailleurs ce qui inquiétait le plus les contribuables qui s’étaient précipités chez leur notaire pour hâter leur succession avant la réforme. “C’est une mesure dure, même si elle résulte de l’œuvre de deux gouvernements différents. Le délai est d’abord passé de 6 à 10 ans, puis encore à 15 ans, commente Cédric Cabanes, avant d’alerter : Un point que l’on oublie souvent est que le décès du donateur avant l’écoulement des 15 ans entraîne la refiscalisation de la donation.”
Il devient donc nécessaire de faire ses donations de plus en plus tôt et intégrer le paramètre de l’âge dans sa stratégie patrimoniale : “Quelqu’un qui reçoit 100 000 euros de parents très âgés a de très grandes chances de voir la somme refiscalisée lors de la succession, puisque le décès du parent entraîne la refiscalisation”, ajoute Cédric Cabanes. Une façon d’inciter à une redistribution intergénérationnelle plus précoce, à une époque où l’espérance de vie s’allonge tandis que la majorité économique s’atteint de plus en plus tard. Par ailleurs, cette mesure est rétroactive. C’est-à-dire qu’une personne qui aurait effectué une donation en 2011, pensant qu’elle ne serait soumise qu’à 10 ans de délai de rappel fiscal, ne pourrait pas effectuer une nouvelle donation, comme prévu en 2021, mais devrait attendre jusqu’en 2026. Et “La rétroactivité pose un vrai problème, car cela vient bouleverser en cours de route les stratégies que les particuliers avaient établies” commente Cédric Cabanes.